Qu'était vraiment la vie ? Tous les hommes se sont une fois posés cette question. La vie, c'est un sujet de rencontres, d'émotions. Les rencontres, il en avait faites. Les émotions, il en avait aussi, parfois. Et après la vie ? La mort. La faucheuse. Une question encore plus fréquente. Existe t-il un paradis ? Un enfer ? Des limbes ? Ou rien. Notre esprit se meurt, notre corps, vite, pourrit. C'est ça, la mort. On peut y préférer largement la vie. Pour les rencontres, l'émotion. Mais certaines vies se voient privée de ces deux critères. Recherchés par le monde entier, ces personnes sont rejetées par tous, puis il y a cette façon de vivre à l'état sauvage. L'humain se transforme en une bête bizarre, chasseuse, dénuée de sentiments. C'était, sans aucun doute, une autre facette de la vie.
Cet homme commença par lever lentement les bras, doucement, pour ne pas briser ses faibles os. Il attrapa le tissus qui lui tombait sur ses épaules, et il l'enleva. Le T-short tomba à terre, à côtés des pieds nus de l'homme. Il dégrafa la ceinture de son pantalon, aussi, qui glissa rapidement. Il enjamba les deux vêtements et marcha, d'un pas nonchalant, vers le lac. Dans la nuit, la lune se reflétait dans les yeux vides d'émotion de cet homme. C'est ainsi, nu, qu'il marcha sur la terre, descendant une pente, et eut un premier contact avec l'eau du lac. Il continua, sans vaciller, fixant devant lui un point invisible. La bouche, mi-ouverte, respirait calmement. Ses cheveux qui descendaient maintenant jusqu'à ses épaules, et sa petite barbe qui se dessinait sur son visage, lui donnait dix ans de plus qu'il ne devait en avoir. Son corps, meurtrit de tous les côtés, lui en donnait vingt supplémentaires.
Plus il avançait, plus l'eau grimpait le long de son corps. Délicatement sur ses cuisses, prudemment sur son ventre, et enfin, il arriva à un endroit où l'eau lui arrivait aux épaules. Il contemplait le même endroit, l'esprit ailleurs. Enfin, sans même prendre une seule goulée d'air, il sombra dans l'eau. La lune se réverbérait à l'endroit même où l'homme avait plongé. Les petites vagues déformaient le satellite. L'homme ne remontait pas à la surface. Ce n'est qu'après six minutes interminables d'apnée qu'il sortit de l'eau, haletant. Cette fois, il regardait partout autour de lui, presque étonné de se voir à cet endroit. Le lac, gelé, le fit trembler. Il se passa les mains partout sur son corps, le frottant, même sous l'eau, pour essayer de le réchauffer. Étrangement, il trouvait cette situation satisfaisante. Il aimerait rester là plus longtemps. Et pourquoi même ne pas dormir sur l'eau ? Son corps flotterait. Il se laissa ainsi tomber en arrière, puis resta immobile, contemplant la lune. Il se souvint d'une chanson, sans savoir d'où il la connaissait. Elle parlait de lune, d'amour.
Il fredonna la chanson dans le silence de la nuit.
Enfin, petit-à-petit, ses yeux commencèrent à se fermer. Et alors il s'endormit.